Espaces tempérés: architectures vivantes…
Les «espaces tempérés » d’Armén Rotch sont des architectures vivantes, des murs construits de traces d’un temps vécu. Il n’est pas question ici d’une pensée utopique où le concept prendrait le pas sur le contingent ou l’inachevé.
Il est question de structures multiformes, d’organismes vivants qui se multiplient, s’étendent puis se détériorent et parfois changent de nature. L’ensemble qui se forme et se déforme, se dilate et se concentre n’est pas «un», mais «un possible». Ce sont des avatars d’une pensée consciente de sa fragilité. Un espace sensible à la vérité des êtres et des choses.
Nous nous plaçons dès lors dans une autre dimension, arpentant avec lenteur nos limites intérieures.
Ce n’est pas du monde autour de soi, mais du monde en soi, de l’architecture intime de nos rapports aux autres dont il est question …
Au commencement étaient un sachet de thé et «son buveur».
L’espace du temps où l’infusion a pénétré le corps du « buveur » et où le souffle de ce dernier a imprégné le sachet, ce temps là, lui appartient.
Chaque temps est singulier. Chaque sachet aussi. Selon la durée de la macération dans le liquide et le mode de séchage, il acquiert une couleur particulière unique, propre à chacun.
Puis vient le geste. Un geste gratuit. Celui de garder, de prendre soin de cet objet – mais un sachet est-il même un objet ? – pour en faire don à l’artiste qui va pouvoir lui donner une autre vie…
Le sachet de chaque « buveur », se retrouve ainsi aux côtés du sachet d’un autre. Des souffles se rencontrent qui ne se connaissaient pas. Des souffles en transition qui formeront ce « quelque chose de vivant », un mur où chacun se retrouve et se perd. Ailleurs les murs séparent, ici n’est pas ailleurs…
Les « murs vivants » de nos souffles multiples ne sont pas constitués d’unités, mais de dimensions aux directions imprévisibles et mouvantes. Un mur dont la structure unique est le haut, le bas et le souffle du milieu. Ce « milieu » centre où tout commence a ses propres résurgences rhizomiques, ses lignes de fuite qui peuvent mener jusqu’aux limites mêmes de la déconstruction…
Les sachets assemblés ainsi sont des volumes construits qui respirent sous la lumière du temps qui leur offre sa patine.
Une architecture existe pour un temps et un espace donné. Toute architecture est éphémère. Les murs vivants de Rotch le sont plus encore. Ils ne sont pas là pour résister, pour protéger ou pour défendre. Leur fragilité est leur humanité. Ils sont le fruit d’un don et ils se donnent à voir, à parcourir, à sentir, ou à méditer, le temps qu’il faut…